L’encore trop méconnu Tom Gauld jouit depuis une quinzaine d’années d’une réputation de grand maître de la bande dessinée moderne. Cet écossais discret n’en finit pas de contourner le ronron, et creuse inlassablement les possibilités du cartoon et du strip.

Après un passage par le Edinburgh College of Art, il crée sa structure d’édition (Cabanon Press), et se consacre aujourd’hui essentiellement à l’illustration de couvertures de livres, de strips hilarants (notamment pour The Guardian), et produit quelques bandes dessinées remarquées, comme le tout récent “Goliath”, variation absurde et tragique d’un fameux épisode biblique sur l’absurdité de la guerre (à paraître l’an prochain à L’Association).

Farces bancales et farfelues, solitude désabusée, épopées fabuleuses et décalées, ses héros (qui n’en sont jamais) sont des robots mélancoliques, des enquêteurs largués, des scientifiques à côté de la plaque : l’humanité n’a jamais semblé aussi fine et juste que sous son trait.
Dans la constellation des dessinateurs essentiels, on pourrait le placer quelque part entre Edward Gorey (qui lui aussi n’avait pas on pareil pour restituer toute l’amertume et la cruauté de ce monde) et Chris Ware (pour son usage du silence, sa maîtrise du temps qui passe et sa -fausse- économie de moyens).

Séance de rattrapage : “Toy Comix” (L’Association, 2008), “Goliath” (L’Association, 2013).