Les lecteurs européens de bande dessinée indépendante/alternative ont longtemps cantonné, à tort, la création nord-américaine aux seuls Etats-Unis. L’éclosion de la scène canadienne de la fin du siècle dernier, et particulièrement le “renouveau” de ces dernières années, auront permis d’assister à l’arrivée massive de jeunes auteurs particulièrement inventifs, qui apportent de nombreuses très belles pierres à l’édifice de la bande dessinée progressiste.

Michel Hellman, né au Québec de mère française et de père américain, est à suivre de très près, pour de nombreuses raisons : après des études en histoire de l’art et un début de carrière de journaliste critique d’art, il délaisse le petit monde de l’art contemporain pour emprunter les voies de la narration séquentielle.
“Iceberg”, son premier livre (quasiment sans texte), est remarqué à plus d’un titre : d’abord, son traitement graphique, bichromie tout en papier minutieusement découpé, et son rythme particulièrement travaillé sont remarquables en tout points. Ensuite, la tragédie nucléaire survenue au Groënland à la fin des années 60 qui sert de sujet à ce récit est évidemment bien troublante, tant elle fût ignorée trop longtemps ; ce désastre est traité avec autant d’implication et de critique politique que de poésie, et rarement une expérience de lecture de bande dessinée aura exigé autant de sa propre forme que de son propre fond.

Séance de rattrapage : “Iceberg” (Colosse, 2010),  “Mile End” (Pow pow, 2011).